à Dijon, ce 18 novembre 1754
…Je vous diray que le 13 de ce mois Voltaire passa à Dijon avec sa nièce.
Il arriva assez tard. Il m'envoya son secrétaire me faire des compliments et savoir de mes nouvelles, me mandant qu'il étoit au désespoir de ne pas venir me voir, mais qu'il étoit très-fatigué, aïant fait ce jour là plus de trente lieues et devant partir pour Lion à quatre heures du matin. J'alay le chercher et le trouvay prest à se mettre au lit, il me retint et nous soupâmes ensemble trèsgayement, il m'a promis, en repassant, de séjourner à Dijon et de prendre son logement chez moy. Son voïage a été très-précipité, je crois qu'il s'agit d'afaires d'intérest, aïant de l'argent placé de tous costés. Il est peut-être menacé de quelque banqueroute à Lion. Il compte y rester trois mois. Il fit l'éloge de la Bourgogne en buvant de son vin assez amplement, dont je luy envoïay chercher chez moy six bouteilles pour son voïage. Je lui fis voir des vers que vous trouverez ci-joints. Il en fut content, mais quand il lut le sujet de l'ouvrage du roi de Pologne, il s'écria: ‘Ah! c'est contre moi qu'il a fait cela.’ Je l'assurai fort du contraire, l'ouvrage du roi n'étant qu'un tissu de maximes générales. Un autre motif du voïage de Voltaire à Lion, à ce que je soupçonne, est une entrevue avec M. de Richelieu, qui doit y passer en alant en Languedoc tenir les Etats….