1753-07-09, de Charles Nicolas de La Touche à François Dominique Barberie, marquis de Saint-Contest.

Monseigneur

Depuis le départ du sr Duvergé, qui s'est chargé de remettre à la poste de Strasbourg la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire le 1er de ce mois n. 77, qui contenoit la copie de la lettre que made Denis m'avoit écrite de Francfort avec la copie de celle qu'elle avoit adressée au Roy de Prusse; j'en ai reçu plusieurs autres, tant de Mr de Voltaire, que de made sa nièce, dont je vous envoye demême les copies.
Je les ai toutes remises mercredi dernier à Mr le Cte de Finck, en le priant d'en prévenir le Roy son maitre, et de l'informer que je n'avois pas voulû les lui adresser à Potsdam, avant de savoir s'il le trouveroit agréable.

Sa Majesté prussne m'a fait remercier par son ministre de mon attention, et m'a fait dire; qu'ayant reçûë les mêmes lettres, elle n'avoit pas besoin de celles que l'on m'avoit envoyées, qu'elle avoit déjà donné ses ordres à son Résident à Francfort, de rélâcher Mr de Voltaire et de laisser aller ce vieux fol; ce sont les termes de ce prince, qui m'a fait dire en même tems, que les impressions que cet académicien avoit voulu lui donner sur mon compte ne méritoient pas que j'eusse des bontés pour lui. Il m'étoit effectivement déjà revenû que Mr de Voltaire avoit lâché quelques broderies à mon sujet, que je ne dois (n'ayant jamais désobligé cet académicien) attribuer qu'à son mauvais naturel, ou à ce qu'il peut avoir été fâché, que je n'aie point voulu m'intéresser pour lui aussi vivement qu'il l'auroit désiré dans le tems de sa Diatribe.

Jusqu'ici je n'ai point apris que Mr de Voltaire ait été remis en liberté à Francfort; mais comme, depuis le 29 du mois dernier, je n'ai point eu de ses nouvelles, je présume qu'il a été réellement relâché, et que ne croyant plus avoir besoin de moi, il juge pouvoir se dispenser de continuer à solliciter mes bons offices pour lui.

J'ai L'honneur d'être avec un très profond Respect

Monseigneur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Le Cher De Latouche