mercredy [?13 December 1752] à deux heures
Je vous ay écrit madame un petit billet il y a une demie heure.
J'avais un paquet énorme à dépêcher au chevalier de la Touche. Je soufrois baucoup; la tête me tournait. Je n'avois pas mon âme. Je ne vous ay dit qu'un mot. J'ay écrit à M. le prince de Virtemberg Louis, je seray inconsolable s'il part avant que je puisse admirer de près cette âme qui ressemble à la vôtre, et que je ne connaissais pas. Je vous suplie de luy parler avec votre éloquence, de l'entousiasme qu'il m'inspire.
Vos marchands sont de grands fripons, et il y a des hommes bien injustes, bien fous et bien méchants. On ne peut vivre dans le monde qu'à des conditions dures. Les cavernes de tigres ne sont pas dans les forêts elles sont dans les cours.
Pour vous madame qui êtes une amazone, vous êtes faitte pour sauter à cheval sur la tête des tigres.
Savez vous bien actuellement mon embaras madame? c'est de trouver une remise pour mon carosse à Berlin. Je loge chez le père de mon secrétaire qui n'a point de remise. J'en fais chercher, je n'en trouve point. J'écris à Billefelt pour en avoir une chez luy s'il est possible, et je prends la liberté de joindre ma lettre pr Billefelt à celle cy suivant la permission que vous me donnez.
Si Billefelt n'avait pas de remise je serais assez impertinent pour vous suplier d'ordonner à un de vos domestiques de m'en chercher une. Je n'attends que cet arrangement pour venir vous faire ma cour. Les grands plaisirs dépendent quelquefois des plus petites choses.
Béni soit mr le prince de Brunswik qui fait du bien à ceux que vous protégez.
Je m'intéresse baucoup à la santé de Dancarville. C'est certainement un jeune homme de baucoup d'esprit et je suis sûr qu'il a aquis, par l'honneur de vous aprocher, la circomspection nécessaire dans ce pays cy, et qu'il a meuri son mérite.
Adieu madame jusqu'au moment où je pourai vous renouveller le plus profond et le plus tendre respect.
V.