1752-05-31, de Marie Louise Denis à Le Mercure de France.

J'ai vu avec surprise Monsieur dans une feuille périodique Mr de Voltaire accusé de plagiat.
On y annonce au public qu'un Madrigal fait il y a dix ou douze ans par l'auteur de la Henriade pour la princesse Ulric aujourdui Reine de Suede est précisément le même qui fut adressé plus de dix ans auparavant par Mr de la Motte à une princesse du sang de France.

Quoi que très éloigné de soupçonner Mr de Voltaire d'un pareil larcein, je n'ai pu résister à la curiosité d'éclercir le fait.

On cite dans cette feuille pour preuve de ce que l'on avance un livre intitulé Biblioteque des gens de Cour, tome Ier , page 370 où le madrigal en question est attribué à Mr de la Motte. De toutes les éditions qui ont été faites de ce livre celle de 1746 est la seulle qui raporte ces vers.

L'auteur de la Biblioteque des gens de Cour ou son éditeur a été bien mal instruit. J'ai fait ce qu'il auroit dû faire. J'ai remonté jusqu'aux sources.

Le sieur Prault, chargé de l'édition des œuvres de Mr de la Motte, n'a rien qui ressemble au Madrigal en question. Je ne m'en suis pas tenu là. Mr Lefevre, neveu de ce célèbre accadémitien, est dépositaire de tous ses manuscrits.

J'ai examiné chez lui avec la plus grande exactitude tout ce qui compose le receuil, tant ce qui doit être imprimé que ce qu'il a jugé àpropos de soustraire à l'impression. Je puis certifier que le Madrigal Contesté n'est point dans le nombre des poésies de Mr de la Motte.

Peut on Concevoir Monsieur que l'auteur des feuilles n'ait pas pris des informations plus exactes avant que de faire à Mr de Voltaire un reproche semblable?