Ce 22 [January 1751]
Ma très chère sœur,
Votre lettre m'a fait un sensible plaisir; j'ay vois la continuation de votre bonne santé et de votre belle humeur.
Hier, j'ai vu madame de Kannenberg àla cour, et nous n'avons parlé que de vous. Si les oreilles ne vous ont pas corné, ma chère sœur, ce n'est pas notre faute.
Vous me demandez ce que c'est que le procès de Voltaire avec le juif. C'est l'affaire d'un fripon qui veut tromper un filou; il n'est pas permis qu'un homme de l'esprit de Voltaire en fasse si indigne abus. L'affaire est entre les mains de la justice, et dans quelques jours nous apprendrons par la sentence qui est le plus grand fripon des deux parties. Voltaire s'est emporté, il a sauté au visage du juif; il s'en est fallu de peu qu'il n'ait dit des injures à m. de Cocceji; enfin il a tenu la conduite d'un fou. J'attends que cette affaire soit finie pour lui laver la tête et pour voir si, à l'âge de cinquante-six ans, on ne pourra pas le rendre, sinon plus raisonnable, du moins moins fripon….