1750-01-12, de Marie Louise Denis à François de Chennevières.

Vous êtes bien aimable Monsieur de songer un peu à nous.
Je crois que mon oncle aura bien tost plaisir de vous voir à Versailles. Pour moi je serai obligée de rester à Paris pour m'enménager. Je loge chez mon oncle depuis avant hier. Ainsi jugez du dérangement où je suis. Venez donc nous voir à Paris, et pardonnez moi si je ne vous ai point écrit; mais j'ai eu tant d'embaras depuis quinze jours que je n'ai pas eu le temps de me reconnoître. On joüe aujourdui Oreste de mr de Voltaire. Malgré tous ses ênemis, je ne doute pas qu'elle n'ait un grand succès. C'est à mon gré la pièce la plus attendrissante qu'il ait jamais faite. Cependant il tremble toujours, mais j'espère que ce soir il sera bien content. Tout mon regret est de ne vous point voir à cette première représantation. Il auroit besoin d'amis aussi respectables et aussi éclairés que vous pour le juger. Adieu: car j'ai bien des affaires, et je me suis dérobée un moment pour vous dire que je vous aime de tout mon coeur. Faites je vous prie mille tendres complimens à mme de Cheneviere et à mademoiselle sa soeur et venez nous voir.

Mignot Denis