jeudi [? October 1748]
J'ay pensé v͞s jouer vn beau tour, j'ay pensé me tuer en descendant de carose, i'ay vne jambe toute escorchée et come ie ne cesse de marcher ie comte que i'ariuerai auec vne jambe pourie come Philoctete.
Ç’auroit été bien mal prendre mon tems car v͞s m'aimés trop p͞r que ie n'aime pas la vie. Ie crois que ie parviendrai à auoir la même santé que v͞s car i'ay des batemens de coeur perpétuels, ie ne retrouuerai mon bonheur et ma santé qu'à Comerci, ie le sens bien puisque v͞s y êtes, ce n'est pas à mes intérêts qu'il faut être sensible mais au bonheur de v͞s reuoir. Sans le changem͞t de cette patente, il n'étoit point sûr du tout que ie v͞s reuise auant l'automne au plutôt. Pour cela v͞s m'aués bien des obligations s'il est vrai que ie sois assés heureuse p͞r v͞s auoir fait conoitre le plaisir de bien aimer, il v͞s rend bien aimable, et il est impossible d'être si tendre et de faire à ce point la félicité d'un autre sans être heureux soi même, Non, ne le croiés pas, ie ne verai que v͞s à Comerci, mes yeux ne verront et ne chercheront que v͞s et toutes mes paroles les plus indiférentes voudront dire que ie v͞s adore. Ie m'abandone au plaisir de v͞s aimer, et ie ne me le reproche plus car ie suis contente de votre coeur, et votre amour enflame le mien. Ie ne sais quand v͞s receurés cette lettre, c'est pour avoir le plaisir de v͞s escrire et de v͞s dire que ie v͞s adore, que ie l'écris, c'est p͞r tromper l'impatience qui me déuore. Ie v͞s aime à la folie et ie ne crains plus de v͞s aimer.