[February 1746]
J'ai passé plusieurs fois chez vous pour vous remercier d'avoir donné au public des pensées au dessus de lui.
Le siècle qui a produit les Etrennes de la Saint-Jean, les Ecosseuses, Misapourf, ne vous méritait pas; mai senfin il vous possède, et je bénis la nature. Il y a un an que je dis que vous êtes un grand homme, et vous avez révélé mon secret. Je n'ai lu encore que les deux tiers de votre livre. Je vais dévorer la troisième partie. Je l'ai porté aux antipodes dont je reviendrai incessamment pour embrasser l'auteur, pour lui dire combien je l'aime, et avec quels transports je m'unis à la grandeur de son âme et à la sublimité de ses réflexions comme à l'humanité de son caractère. Il y a des choses qui ont affligé ma philosophie: ne peut on pas adorer l'être suprême sans se faire capucin? N'importe, tout le reste m'enchante; vous êtes l'homme que je n'osais espérer; et je vous conjure de m'aimer.
Voltaire