1745-10-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Vraiment mes chers anges je croi bien que la vérité se trouvera chez vous, et que j'y trouveray plus de secours qu'ailleurs.
Aussi je compte bien venir profiter de vos bontez, dès que j'auray débrouillé icy le cahos des bureaux. Il est absolument nécessaire que je commence par ce travail pour avoir des notions qui ne soient point exposées à des contradictions devant le ministre et devant Le Roy. Ce travail joint aux tracasseries du pays me retient icy plus longtemps que je ne pensois. Il faut que mon ouvrage soit aprouvé par M. Dargenson, il est mon chancelier, et mr de Cremille mon examinateur. Vous jugez bien que c'est moy qui ay demandé mr de Cremille, et que je n'ay pas eu de peine de l'obtenir. Je me trouvay hier chez mr Dargenson et je parlois du combat de Mêle. Je disois combien cette action faisoit d'honneur aux Français. Il y a surtout, disaije, un diable de M. d'Azincourt, un jeune homme de vingt ans, qui a fait des choses incroyables. Comme je bavardois, entre mr Dazincourt que je n'avois jamais vu. Il ne fut pas fâché. Je crois que c'est un officier d'un très grand mérite, car il écrit tout.

Le comte de Lomont va se marier en Angleterre ne pouvant trouver de femme en France. Je suis au désespoir de ne pouvoir acompagner madame du Chastellet. Adieu le plus adorable ménage de Paris.

V.