à Potzdam ce 15 de 9br 1742
Continuéz Cet ouvrage admirable pour l'amour de la Vérité, Continué le pour le bonheur Des homes, c'est un Roy qui Vous exorte à écrire d'écrire la folie des Rois.
Vous m'avéz si fort mis dans le goût du travail, que j'ai fait une épître en vers, une Comédie, et des Mémoires fort Curieux. Lorsque les Deux premières pièces seront Corigéz de fason que j'en sois satisfait je Vous les enverais. Je ne puis Vous Comuniquer que des fragmens de la troisième, Mais L'Ouvrage en Entiér n'est pas de Nature à être rendû public. Je suis Cependant persuadé que vous y trouveriéz quelques endroits pasables, c'est ce que j'ai fait de Mieux de Ma Vie. J'y travaille encore et je ne Crois pas de L'avoir achevé avans L'anée Prochaine.
Je Vois que Vous avéz une Idée asséz juste de Nos Comédiens, ce sont proprement Des Danseurs, dont la famille de la Cochoi fait la Comédie. Il jouent joliment quelque piesses Du Téâtre Itaillin ou De Moliere, mais je leur ai Défendû De Chosér le Coturne ne les en trouvant pas Dignes.
La Colection D'antiques Du Cardinal de Polignac est arivée à bon port, sans que les Statues n'ayent soufert la moindre fracture.
Le Cardinal de Polignac qui pouvoit Vous poséder avoit donc grand tort de ramasér tout ces bustes, mais Moy qui n'ai pas cet honneur Là, Il me faut Vos écrits dans Ma bibliotèque, et ces antiques Dans Mes galeries.
Je Souhaite que Mesieur les Anglais se Divertisent ausi bien cet hivér en Flandre, que je me propose de passér agréablement mon Carnaval à Berlin. J'ai Donnée le Mal épidémique de la guerre à L'Europe Come une Coquete donne de Certenes faveur Cuisantes à ses galans. J'en suis guerri heureusement, et je Considère àprésent Come les autres Vont se tirér des remèdes par les quels ils passent. La fortune ballote étrangement le pauvre empereur et la Reine D'Hongrie, je suis d'avis que la fermeté ou la faiblesse de la France en décidera.
Aumoins souvenéz Vous que je me suis aproprié une Certeine autorité sur Vous par la quelle je Vous rand Comptable envers Moy de Vos siècles de L'histoire universele, come les Crétiens le sont De leur Momens envers le Doux sauvér. Voilà ce que c'est que le Comerce des Roys Mon cher Voltaire, ils empiètent sur les droits d'un Chaqun et ils s'arogent des prétentions ou ils ne devroient point avoir. Ni plus ni moins Vous m'enveréz Votre histoire, trop heureux que Vous en réchapiéz Vous même, car si je m'en Croyois, il auroit longtems que j'aurois fait Imprimér un Manifeste par le quel j'aurois prouvé que Vous m'apartenéz, et que j'étois fondé à Vous revendiquér et Vous prendre où je vous Trouverois. Adieu, portéz vous bien, ne M'oubliéz pas et surtout ne prenéz pas de rassines à Paris sanquoi je suis perdu.
Federic