1742-10-19, de — Perrault à Claude Henri Feydeau, comte de Marville.

J'ai l'honneur de vous informer qu'hier j'ai eu celui de vous faire dire par m. de Tourny, que la tragédie de Mahomet était imprimée, et que c'était la veuve Amaury, marchande depuis peu établie au Palais, qui la distribuait. Elle en a fourni des exemplaires à Granger, marchand libraire au Palais, et à la Jumeau, revendeuse d'arrêts, pour en faire la vente. Cette veuve Amaury est celle qui faisait venir de Lyon des livres prohibés, par le courrier, pour raison de quoi elle a été longtemps en prison de l'ordre du roi. Pour la convaincre, comme c'est elle qui vend cette tragédie imprimée, j'ai envoyé une personne chez elle, à laquelle elle a vendu un exemplaire que sa servante a tiré de sa poche. Pour en avoir une preuve complète, j'estime, sous votre bon plaisir, qu'il serait à propos de me faire expédier des ordres pour faire une exacte perquisition chez elle; et si par hasard il ne s'en trouvait plus, j'accompagnerais par devant vous cette veuve Amaury, ainsi que sa servante, et de l'une ou de l'autre, vous pourriez apprendre où elles les vont chercher, pour ensuite les débiter. A l'égard de la relation de Prague, un colporteur qui sort tout présentement de chez moi, m'a assuré que la Bienvenu, libraire, quai des Augustins, est celle qui l'a fait imprimer; ce qui est certain, c'est qu'elle les vend; il en est d'autant plus sûr qu'elle lui en a vendu; elle est soupçonnée aussi d'être celle qui a fait imprimer Mahomet, ainsi avant de vous déterminer ou parler à m. Montamant au sujet du débit qui se fait dans le Palais royal, comme vous vous l'êtes proposé, je crois qu'il faudrait avant, faire aussi une perquisition chez elle, et notamment dans son comptoir, d'où on lui a vu tirer cette relation.