à Cirey ce 8 de l'anée 1742
J'ay Eté bien longtems sans v͞s éscrire, mon cher ami, mais i'ay cédé ce plaisir à votre ami.
Il mahometise sans cesse, mais quand aurons n͞s vn Mahomet? Le roi de Prusse se vante d'auoir la Nouë, mais ie m'en fie à son auarice p͞r n͞s le laisser. Cependant il ne seroit pas mal que mr Daumont s'en asurât, et i'espère que l'autre ange votre aimable frère lui en rafraîchit la mémoire, et lui en fera sentir la nécesité.
Non, mon cher ami, n͞s ne paserons point notre vie à Cirey, il est trop doux de viure auec vous. N͞s en passerons à ce que j'espère une partie dans l'isle si ce maudit procès peut finir. Il va assés bien icy, et i'espère bientôt l'abandoner p͞r retourner à Paris. Ie vais voir auparauant cette pauure m͞e Dautrey dont l'état me touche et qui désire trop de n͞s voir, p͞r n'y pas aller. V͞s saués que le projet de m͞e de Luxembourg et de m͞e de Bouflers a eü le sort de toutes les parties faites à souper. Si quelque chose me console c'est que ie ne m'en Etois pas beaucoup flatté, mais ie suis en peine de la santé de m͞e de Luxembourg. Il y a un siècle qu'elle ne m'a escrit. Ie ne pers point de vuë le projet de faire jouer Mahomet auant de [. . .] retourner à Bruxelles si n͞s auons la [. . .] fût ce à la rentrée, car ie préuois que mr d'Hoensbroeck me donnera du tems par ses lenteurs, et ie pourai abandoner ceci dans le train où il est, sans crainte. Ie v͞s assure que ce sera auec grand plaisir et que ie m'en fais vn bien sensible de paser quelque tems auec vous, et de joüir d'une amitié qui fait le charme de ma vie. Dites mille choses p͞r n͞s aux 2 anges mâle et femelle de l'aimable triumvirat.