J'allois vous écrire, lorsque je reçois votre lettre du 9.
Votre santé me paroît toujours aussi faible que la mienne, mais avec ces deux mots, abstiné et sustiné nous ne laissons pas de vivre. Après votre santé, c'est votre pension qui m'intéresse. Il est vray qu'elle est de douze cent livres, mais comme j'ay toujours espéré que sa majesté l'augmenteroit, je ne vous ay jamais accusé la somme. La Silesie fait grand tort à la Reine de Hongrie et à vous; mais vous aurez certainement votre pension; et je seray fort étonné si l'héritière des Cesars reprend la Silesie. Il me semble que voicy l'époque fatale de la maison d'Autriche, et super vestem suam miserunt sortum.
Mr de Maupertuis m'a mandé qu'il pouroit faire un voiage. Je crois que du Mollars reviendra aussi.
Je ne doute pas que le roy de Prusse en vous payant votre pension ne vous paye les arrérages; et ma grande raison, c'est que la chose est juste, et digne de luy.
J'auray l'honneur d'écrire encor à M. des Alleurs pour le remercier. Je ne manqueray pas aussi de remercier Mr de Poniatosky.
Je vais écrire à l'abbé Moussinot pour qu'il fournisse un copiste, mais vous si en avez un, vous pouvez l'employer et faire prix. L'abbé Moussinot le payera.
Il n'y aura qu'à mettre les papiers dans un sac de procureur au coche de Bruxelles, le tout ficelé, non cacheté. Cette voye est sûre. On ne s'avise jamais de dérober ce qui n'est d'aucun usage.
Je vous enverray mon édition, moitié imprimée, moitié manuscritte, quand vous m'aurez dit comment il faut m'y prendre. Je n'ay que cet exemplaire là.
Je voudrois bien qu'on ne s'empressast point tant de m'imprimer. J'ay de quoy fournir une édition presque neuve. J'ay tout corrigé, tout refondu. Je vais retravailler entièrement l'histoire de Charles douze, non seulement sur les mémoires de M. de Poniatosky, mais sur l'histoire que mr Norberg, chapelain de Charles douze, va publier par ordre du sénat. Il faut donc me laisser un peu de temps.
Je voudrois que Lorsque j'auray tout arrangé, et que je vous aurai mis en possession de ce que doit contenir l'édition nouvelle, vous vous en acommodassiez avec quelque libraire intelligent, afin que l'édition fût bien faitte, et qu'elle pût vous être de quelque utilité.
Je vous prie de demander à l'agent du roy de Prusse, à qui je peux adresser à Hambourg une caisse pour Madame la marquise de Bareith, sœur du roy. Je ne veux pas l'envoyer par la poste, comme en usa une fois Mr son frère, le quel m'envoya un jour je ne sçai quoy qui me coûta deux cent francs de port.
Je suis fâché du départ de madame de Berenger. Je vais faire réponse à Neaume.
Je vous embrasse.
Bruxelles ce 13 mars 1741