à La Haye ce 26 Juillet 1740

Sire,

Le sieur de Voltaire arrivé icy, est venu me voir, désirant, que je l'assistasse dans une affaire qu'il a icy avec un Libraire très méchant, touchant un certain livre, dont il voudroit empêcher l'impression, me protestant que l'intérêt de votre Majesté le demandoit ainsy.
Je luy dis que je n'avois receu aucun ordre touchant cette affaire, cependant sur sa parole, je luy ay donné toute l'assistence qu'il a demandé de moy, et il se donne des grands mouvements, espérant de réüssir dans cette affaire, mais il n'a pas voulu me dire en quoy consistoit la raison, qui dût empêcher l'impression du livre en question. S'il m'en avoit fait confidence, j'aurois peutêtre été en état de le faire avec plus de force. Le dit S^r de Voltaire vient de me remettre dans ce moment 5 lettres, trois pour votre Majesté, une pour le S^r de Keiserling et une autre pour le S^r Algarotti, avec prière de les mettre toutes dans l'envelope de votre Majesté, comme je le fais étant avec un très soumis respect et une fidélité inviolable

Sire

de votre Majesté

Le très humble, très obéissant et très dévoüé serviteur

J. P. v. Raesfeld