à Bruxelles le [28 June 1739]
Je reçois votre lettre du 25.
Vous ne pouvez ajouter, monsieur, au plaisir que me font vos lettres, qu'en détruisant le bruit qui se répand, que j'ai envoyé mon Siècle de Louis quatorze à Prault. Je sais qu'on n'en a que des copies très infidèles et je serais fâché que les copies ou l'original fussent imprimés.
Je n'aurai jamais d'aussi brillantes nouvelles à vous apprendre que celles que vous nous envoyez. C'est ici le pays de l'uniformité. Bruxelles est si peu bruyant que la plus grande nouvelle d'aujourd'hui est une très petite fête que je donne à made Duchâtelet, à made la princesse de Chimai, et à mr le duc d'Aremberg. Rousseau, je crois, n'en sera pas. C'est sûrement la première fête, qu'un poète ait donnée à ses dépens et où il n'y ait point de poésie. J'avais promis une devise fort galante pour le feu d'artifice; mais j'ai fait faire de grandes lettres bien lumineuses, qui disent, Je suis du jeu; va tout. Cela ne corrigera pas nos dames qui aiment un peu trop le brelan. Je n'ai pourtant fait cela que pour les corriger.
Si vous voyez mr Bouchardon qui élève des monuments un peu plus durables pour sa gloire et pour celle de sa nation, je vous prie de lui faire mes sincères compliments. Vous savez que les Phidias me sont aussi chers que les Homères.
Continuez, mon cher ami, à m'écrire de très longues lettres qui me dédommagent de tout ce que je ne vois pas à Paris. Ayez la bonté, je vous prie, d'envoyer à Prault ce petit billet que vous cacheterez avec un petit pain. Mille compliments à m. de Crébillon, à m. de la Bruere. N'oubliez pas de dire à l'abbé Dubos combien je l'estime & je l'aime. Adieu.