ce 23 [April 1739]
Je reçois le 21 une lettre de vous du douze.
Cela n'est pas extraordinaire si vous êtes négligent à envoyer à la poste ou bien s'il y a des gens à la poste très diligens à s'informer des secrets de leurs chers concitoyens.
Je vous prie de faire une petite réflexion avec moy; qui pourait faire des épigrammes contre Danchet et contre l'abbé d'Olivet que l'abbé Desfontaines? Croyez vous que s'il y en a contre vous elles partent d'une autre source? L'abbé Desf. fait plus de vers qu'on ne pense. Il en a fait incognito toute sa vie, et je sçai qu'il est l'auteur de l'épigramme ancienne contre Le Cardinal de Fleury dans la quelle il y a un bon vers qu'on m'a fait le cruel honneur de m'imputer:
C'est un monstre comme le sphinx, il joint la fureur à L'adresse. Mais il poura enfin succomber sous ses méchancetez.
Envoyez à l'abbé Moussinot l'Euclide seulement et le Brémont, mais envoyez vite, car nous partons. Jamais madame D'Eguillon n'a eü l'épître sur l'homme dont je ne suis pas encor content. Pour celle du plaisir, je l'avois envoyée en Languedoc mais mr le duc de Richelieu l'avoit trouvée extrêmement mauvaise. Au reste vous me ferez plaisir de me dire ce qu'on reprend dans celle de l'homme. Je crois savoir distinguer les bonnes critiques des mauvaises. Surtout dites moy si l'on n'a pas tâché d'empoisonner ces ouvrages innocents. Je crains toujours comme le lièvre, qu'on ne prenne mes oreilles pour des cornes.
A l'égard d'un opéra, il n'y a pas d'aparence qu'après L'enfant mort né de Samson, je veuille en faire une autre. Les premières couches m'ont trop blessé.