1738-02-16, de Jean Baptiste Nicolas Formont à Nicolas Claude Thieriot.

Je vous aurois Répondu plutôt monsieur sans La folette qui m'a fort occupé depuis quelques jours et dont je ne suis pas encor tout à fait débarassée.
Je vous suis très obligé de L'Ovide de Burman. Je vous prie de me le guarder. A l'égard des traductions ne vous en tracassés point, je trouveray Bien moyen de Les Rassembler ici. Je ne connois pas La traduction Des fastes de La Leseau et je ne croy pas qu'elle ait paru au moins entière. C'est La partie qui aurait Le plus Besoin d'être traduite et commentée. Il faudra bien voir La métaphisique de Wolph puisque nous avons fait tant que de voir La Logique. Marqués moy je vous prie ce que je vous dois pour tout cela. Je suis encor tout Rompu de ma folette, c'est ce qui m'empêche de causer aujourdhuy avec vous. Marqués Bien je vous supplie de ma part ma Reconnoissance à mr Delapopeliniere de La Bonté qu'il a euë de s'intéresser à L'affaire de Mamire qui est finie heureusement. Je veux vous faire la galanterie de vous envoyer copie d'une petite Lettre charmante que mr de Voltaire m'a ecrite depuis peu sur ce que je l'exhorthois à Laisser Là Le casse tête de La philosophie pour Les douceurs de la poésie.

A mon très cher ami . . . .
Demeurant sur Le double mont
Au dessus de Vincent Voiture
Vers La taverne où Bachaumont
Buvoit, et chantoit sans mesure
Et tout attenant La maison
Où Le plaisir et La Raison
Gouvernoint Le bon épicure:
Vous voulés donc que des filets
De L'abstraite philosophie
Je Revole au Brillant palais
De L'agréable poësie,
Au pais où Règnent, Thalie,
Et Le cothurne, et Les sifflets.
Mon ami je vous Remercie
D'un conseil si doux et si sain
Vous Le voulés, je cède enfin
A ce conseil, à mon destin
Je vais de folie en folie
Ainsi qu'on voit une catin
Passer du guerrier, au Robin,
Au gras prieur d'une abaye,
Au courtisan, au citadin,
Ou bien si vous voulés encore
Ainsi qu'une abeille au matin
Va succer Les pleurs de L'aurore
Ou sur L'absinte ou sur Le thim
Toujours travaille et toujours cause
Et nous paitrit son miel Divin
Des grateculs et de La Rose.
Dans tes vers, Dusse, je te prie
Ne comparés point au Messie
Un pauvre Bigre comme moy,
Je n'ay de lui que sa misère
Et je te jure sur ma foy
Qu'une Vierge n'est pas mère.