1737-11-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

Je reçois la vôtre du 15 mon cher et véritable amy.
Vous êtes bien bon de soupçonner mr Dargental d'avoir écrit le billet que vous m'envoyez. Je voy bien que vous ne connaissez pas l’écriture et le stile du petit la Mare. Il me semble qu'il devroit se servir autrement de sa plume, il pouroit avoir plus de respect pour vous et de reconnaissance pour moy. Il devroit au moins n’écrire que pour me remercier de mes bienfaits. Je luy ay donné cent francs pour son voiage d'Italie, et je n'ay pas entendu parler de luy depuis son retour. Je ne le conois que pour l'avoir fait guérir d'une maladie infâme à mes dépens, et pour l'avoir accablé de dons qu'il ne méritoit pas, mais je suis acoutumé à l'ingratitude des hommes.

Que la Mare ne m'ait payé que d'ingratitude encor passe, mais Demoulin y a joint la friponerie, l'outrage et les plus indignes procédez. Sa femme comme je vous l'ay mandé m'a écrit pour me demander grâce mais si Demoulin, ne me demande pas au moins pardon de ses infamies, il sera poursuivi à la rigueur.

Tâchez mon cher abbé d'avoir cette belle pendule à secondes.

Il n'y a autre chose pour faire graver les armes que d'envoyer un petit billet, à mr Hebert.

Les armes sont trois flammes d'or deux et un, sur un champ d'azur, deux lévretes pour suport. Voylà tout. Que ces armes soient bien ou mal il n'importe.

Je me referre à toutes mes dernières. J'ajoute seulement que si par quelque notaire vous trouvez à placer en rentes viagères vingt mille livres, avertissez moy. Je vous suplie d'envoyez presser Praut fils pour l'envoy des livres que j'ay demandez.

Je prie mr votre frère de se souvenir du Cresfonte. Un petit billet à Tiriot je vous prie.

Pour les habits, pardon et mille amitiez à vous et aux vôtres.