1737-09-02, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

v͞s n'estes pas le seul qui aués des affaires Monsieur mais v͞s ne pouués en être plus contrarié que moi, puis que les miennes m'ont priué du plaisir de v͞s escrire.
Il est bien malheureux que v͞s ayés été à Paris lors que votre ami et moi n'i somes pas. Ie veux croire que si n͞s y auions été v͞s y seriés resté dauantage. I'espère toujours que quand toutes vos affaires seront arangées v͞s viendrés voir Emilie et Cirey. Ie connois L'amitié que m͞e de V. a p͞r v͞s, et si elle v͞s est chère v͞s auriés tort de souhaiter d'être vn autre que v͞s même. V͞s ne pouriés que perdre au marché. Ie crois qu'il aime fort La présidente, mais ie crois entre n͞s que le petit neueu a plus de part à ses lettres que la grande tante. Il me semble qu'il n'est pas trop content des procédés de ce marquis. Ie ne le connois point, mais s'il veut conseruer des amis, ie crois qu'il en doit vser autrem͞t. Si votre ami escriuoit à quelqu'un, ce seroit à v͞s mais il n'escrit à personne, et cette réserue est ie crois nécessaire à la tranquilité de sa vie. Souffrés que ie sois le lien qui v͞s vnit. Neuton L'occupe toujours, et ie crois que vers le comencement de l'hiuer v͞s verrés paraître sa philosophie. Il me mande qu'il a ordonné à Paris qu'on v͞s enuoyât une Henriade. V͞s y trouuerés tout bien hors son portrait. V͞s saués sans doutte que la préface est de Linant. I'en suis assés contente, mais ie crois qu'il v͞s faut détacher de toutes les espérances que v͞s auiés conçuës de son génie prétendu. De la façon dont v͞s me parlés de vos espérances sur Castor et Polux ie vois bien que v͞s le croyés de votre ami, mais il est de la Popliniere. Ie ne sais si c'est Thiriot qui fait courir ces bruits là, mais i'en suis très mécontente. Votre ami n'est pas fait p͞r seruir de prétexte, et mr de la Popliniere ne pense pas ie crois à le faire croire. Il se rend sans doutte trop de justice p͞r cela.

Adieu monsieur, soyés sûr que malgré ma paresse, ie reçois toujours auec bien de la reconnoissance les marques de votre souuenir.