1737-02-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste de Boyer, marquis d'Argens.

Je crois, mon cher Isaac, que vous ferez trente volumes de lettres juives.
Continuez, c'est un ouvrage charmant. Plus vous irez en avant, plus il aura du débit et de la réputation.

Si le Mondain paraissait dans ces lettres il faudrait au lieu de ce vers

En secouant madame Eve ma mère,
mettre
En tourmentant madame Eve ma mère.

Mais je crois toutes réflexions faites qu'il vaut mieux que le Mondain ne paraisse pas.

Pour la lettre sur la politesse, je vous conseille toujours de venger les Suisses & les Hollandais des attaques de l'ennemi commun. En nous moquant un peu des Espagnols, il est bon d'avoir tout d'un coup deux nations dans son parti. Je vous exhorte à rendre cette lettre digne de vous.

Vous avez terriblement malmené le don Quichotte de l'Espagne; vous êtes plus dangereux pour lui que des moulins à foulon. Vous faites bien de lui apprendre à nous respecter.

Je suis ici à Leyde, je reviens toujours à mon Gravesande. Mais si mon goût décidait de ma conduite, ce serait chez vous que j'irais. Je ne me hâte de finir mes affaires avec Neuton que pour venir plus tôt vous embrasser.

Je ne sais rien de ce misérable almanach: c'est un libelle généralement méprisé. Mille compliments à S.