1736-06-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

Mon cher abbé vous avez grande raison d’être plus content du jeune homme à qui vous avez donné de l'argent que du sr la Marre, et je crois leurs caractères fort différents.
Je croi dans l'un encourager la vertu. Je ne vous dis rien de l'autre. Vous le connaissez, c'est à vous d'en juger.

Je vous prie de mettre une douzaine de livres de caffé dans le balot que vous voulez bien m'envoyez. Je vous seray très obligé.

Je compte que vous m'enverrez incessamment au moins un de mes portraits. Mandez moy [un] peu mon cher abbé ce qu'on fait de mon [ma]igre visage. Je ne m'y intéresse guères, mais [mes am]is en ont quelque envie, parce qu'il [appa]rtient à un homme dont ils connaissent [le cœ]ur.

Je vous prie si vous avez de l'argent à moy de donner cent livres à mr Berger, qui vous rendra cette lettre, et si vous ne les avez pas, de vendre vite quelqu'un de mes meubles pour les luy donner. Dussiez vous luy donner 50lt une fois et 50lt une autre, ayez la bonté de luy faire ce plaisir. Je luy ay une grande obligation de vouloir bien s'adresser à moy. Le plus grand regret que j'aye dans le dérangement où Dumoulin a mis ma fortune est d’être si peu uti[le] à des amis tels que mr Berger. E[nfin] il faut songer à ce qui me res[te plus] qu’à ce que j'ay perdu, et tâcher d'arranger mes petites afaires de façon que je puisse passer ma vie à être un peu utile à moy même et à ceux que j'aime. Je vous embrasse tendrement mon cher abbé.

V.