Je dérobe à votre ami monsieur le plaisir de v͞s aprendre lui même son retour.
Ie sens et ie partage votre joie. I'ay eü un plaisir extrême à le revoir. Son afaire a trainé si longtems que ie n'espérais presque plus sa fin, mais enfin il n͞s est rendu. Il faut espérer qu'il ne n͞s donnera plus des allarmes aussi vives. Ie ne sais si v͞s aués reçu vne lettre de moi dont m͞r de Formont a bien voulu se charger. Ie veux toujours me flatter que ie v͞s rassembleray un jour dans une campagne où ie méditte de passer quelque tems. V͞s deués être bien persuadé que ie désire auec empressemt de conoitre vne personne p͞r qui i'ay conçu vne estime que l'amitié a fait naitre, et que i'espère qu'elle cimentera.
à Paris ce 31e mars 1735
Emilie permet Mon cher amy que j'ajoute quelques petits mots à sa lettre. Cela est bien hardi à moy. Peut on lire quelque autre chose après qu'on a lu ce qu'elle vous mande? Elle vous assure de son amitié. Uous devriez en vérité venir à Paris prendre possession de ce qu'elle vous ofre. Je conois les charmes de cette amitié, et j'en sens tout le prix. Si j’étois assez heureux pour vous voir dans sa cour, que de vers! mon cher Cideville, que de conversations charmantes! Monsieur de Formont a eu le bonheur de la voir, et j'avois le malheur d’être bien loin. Enfin me voicy revenue mais me voicy loin de vous Il manque toujours quelque chose au bonheur des hommes. J'ay reçu un paquet que je n'ay pas encor eu le temps d'ouvrir. J'y verray tous les charmes de votre esprit. Ce sera l'aimant de mon imagination. J'ay vu le gros Linant mais je n'ay pas encor vu sa pièce. Je souhaitte qu'elle se porte aussi bien que luy.
Adieu mon cher amy. Je vous embrasse bien tendrement. Notre cher Formont devroit bien regretter Paris, si vous n’étiez point à Rouen. Je me flatte que mr Dubourtroude veut bien se souvenir de moy. Pour mr de Brevedent s'il savoit que j'existe j'ambitionerois bien son amitié. Adieu. Ne vous verrai-je donc jamais?
V.