à Paris ce mardi au soir [15 mars 1735]

Vous devez avoir aprésent mon cher ami Le paquet de m^r de V.
Au moins Dumoulins a dit qu'il étoit parti Lorsque m^r Linant Luy en a parlé. Pendant Ce temps Là je Ramanois et je faisois Copier, nous Confronterons Le tout. Il Restera encor quelques Bagatelles que m^de Duchatelet devoit faire copier mais elle ne Le fera pas.

La tragédie de L. Le Blanc ne nous Reculera pas Beaucoup. Pendant ce temps notre Linant travaillera, il doit Lire La sienne à quelques gens du métier, Receuillir Leurs avis, ensuite il Reviendra à Rouen travailler sans Relâche, car il y a encor Beaucoup à faire. Les scènes de passion ne sont pas Bien à mon gré, m^r Dargental est du même avis pour La scène du 2^e acte entre Amenophis et Almehide car il n'en a encor vu que Les 2 premiers actes. D'ailleurs, il en espère Beaucoup, il trouve de L'invention et de L'intérest dans Le sujet, de Beaux vers, de La force, du talent en un mot, mais de La négligence souvent dans Le stile, comme cela est vray. Pour cet article j'en Réponds, nous Le Rendrons correct malgré qu'il en ait, à L’égard de la chaleur de ses scènes c'est son affaire à Luy tout seul.

Pour ce qui est de Le placer ce n'est pas une chose aisée surtout aprésent, n’étant pas encor Connu. Je Luy disois L'autre jour que si nous pouvions trouver un homme qui eût un grand Besoin de quelqu'un qui ne fût propre à Rien ce seroit tout juste notre affaire. Il faut donc que sa pièce Luy done quelque Réputation, que sa jeunesse, sa pauvreté et L'espérance de son talent engagent quelque Bonne âme à Luy donner Le Logement et La nouriture, ce qui est encor plus à souhaitter qu’à espérer. Malheureusement son mérite est en dedans et ne peut être Connu qu’à L'user. Enfin il faut attendre, car comment proposer m^r Linant par ce qu'on espère que dans La suite il fera des merveilles?

Je compte partir Lundi prochain si Rien ne vient à La traverse.

Je n'ay point encor vu Dubourgteroude et j'eus L'air de ne Le pas voir avant mon départ. Je dois voir L'abé Damfreville un de ces jours mais je ne Luy parleray de La tragédie que pour être Lue à son Retour de Rouen d'autant plus que Linant ayant un peu de Raport à m^r de V. cela gâte fort Les choses auprès de m^r de Fontenelles. Ma qualité d'ami de V. m'a assuré sa disgrâce. Cela prouve bien qu'il faut que Les plus grands hommes ayent des petitesses.

Il n'y a point de nouvelles que L'arivée de m^r de Walgrave, ambassadeur d'Anglettere, qui a plein ses poches de plans pour La paix. Mais ce ne sera qu'après qu'on Ce sera Bien tué en Italie. Adieu mon cher ami, je vous ambrasse de tout mon cœur.