à Cirey le 12 janvier 1735
Vous ne sauriez croire, monsieur, combien je suis flatté de voir que vous ne m'oubliez point au milieu des devoirs & des occupations dont vous êtes surchargé.
Vous me faites voir par votre dernière lettre que m. de la Clede est placé auprès de m. le maréchal de Coigny. Je ne le savais pas. C'est sans doute m. d'Argental qui lui aura procuré cette place. Si cela est, voilà m. d'Argental bien aise. C'est un nouveau service rendu de sa part. Il est né pour faire plaisir, comme Rameau est né pour faire de bonne musique. Il y aurait un homme qui se tiendrait tout aussi heureux que m. d'Argental, si certaine affaire que vous avez désirée, pouvait se conclure; cet homme est moi. J'ai récrit & on m'a fait entendre que l'affaire allait mal. Ayez la bonté de m'instruire de l’état où sont les choses. Je vous demande comme la grâce la plus flatteuse de me procurer une occasion de vous servir.
N'avez vous point vu m. de Moncrif? S'obstine-t-il à se tenir solitaire, parce qu'il n'est plus dans une cour? Eh! ne peut on pas vivre heureux avec des hommes, quoiqu'on n'ait pas l'avantage d’être auprès des princes?
J'ai lu l'Histoire japonoise. Je ne sais si je vous l'ai mandé. Je souhaite que l'Histoire de Portugal soit aussi amusante.
Voudriez vous me faire l'amitié de me mander quand on fera l'oraison funèbre de m. le maréchal de Villars? Celui qui est chargé de l’éloge de m. de Barwick, est un homme de mérite, qui me fait l'honneur d’être de mes amis. Je ne sais qui sera le Flechier de notre dernier Turenne. Le père Tournemine avait entrepris ce discours; mais il a remercié. N'est ce point l'abbé Séguy qui lui a succédé? Il est déjà connu par un très beau panégyrique de st Louis. Le sujet de st Louis est épuisé & celui-ci est tout neuf. Que ne dirait il pas d'un homme qui a quatre-vingt ans prenait le Milanais & entretenait des filles? Adieu, monsieur, vous savez combien je vous suis attaché.