ce 21 juillet [1734]
Si vous ne craignez point mon cher abbé d'être en commerce avec un excomunié, souvenez vous un peu de votre ancienne amitié, vos lettres me tiendront lieu d'onguent pour La brûlure.
Mandez moy si les belles lettres ont toujours l'honneur de faire votre ocupation, et si vous avez enfin renoncé à ce quart de gloire qui vous revint du journal des savants; vous méritez qu'on fasse l'extrait de vos pensées, plus que vous n'êtes fait pour extraire celles des autres. Vous devez savoir par le portier de votre académie, la demeure d'un de vos confrères mr de Pouilly, et l'adresse à laquelle il faut luy écrire. Je vous suplie de vouloir bien avoir la bonté de m'en instruire. Vous n'avez qu'à envoyer votre lettre chez moy à Paris. Je vous seray très obligé de cette bonté. Avez vous lu Didon? Avez vous lu le livre de mr de Montesquiou? Je suis actuellement un pauvre provincial éloigné des sources de l'esprit. C'est par votre canal que je veux tenir encore aux muses. Je me flatte que vous vous souvenez quelquefois de moy avec mr Dupré de st Maur. Mais il fait plus, il m'écrit. Suivez ce bel exemple. Il n'y a personne dans le monde dont le souvenir et les lettres me soient plus chers que les vôtres.
On m'a envoyé de Paris une malheureuse copie de l'epitre à Emilie, dans la quelle il n'y a pas le sens commun. Entre autres sottises, ils ont mis monsieur Crosat, pour monsieur Cresus. Cecy est moins une sotise qu'une malice. Je suis fait pour être la victime de la calomnie et de la bêtise. Mais par la règle des contraires il faut que je sois deffendu par vous. Adieu mon cher abbé, je vous aime pour toute ma vie.
V.