à Paris ce Lundi 15 [janvier 1732]

Bon jour mon cher amy.
Je ne pus vous dire adieu quand je partis parceque je ne sçavois si vous étiés à Rouen et quand je le sçus je n'eus plus le temps. Je n'ay pas eu encor Le temps de me Retourner depuis que je suis icy. Je soupe très souvent avec votre amy . . . qui est toujours Le même, plein d'esprit, de folies, et de Coliques. J'entendray mercredi La nouvelle Eriphile car il m'a dit qu'elle étoit presque toute changée. Je vous écriray des détails sur tout cela. Callirohé n'est pas admirable faute de Beau Récitatif selon moy. On va doner aux François le glorieux de Nericault, et après Eriphile une tragédie de Pelegrin nomée Pelopée, où il n'y a que viols, incestes, et assasinats. Le petit Bernard fait de jolies choses, il y a de Luy 2 petites pièces sur l'hiver et l'automne, mais il Les Rajuste et je veux Les avoir de La Bonne édition et je vous Les enverray. Leso m'a dit qu'il vous a envoyé les vers sur Les petites danseuses. Ceux de Voltaire finissent joliment mais La pièce commence fort mal. Il en a fait ausi sur Lamotte que je trouve mauvais. Dites à Heraut qu'il vous fasse venir [l’]épître de Clio à m^r de Bercy ou chés La Veuve d'Hilaire Foucaut, Rue s^t Jaques dans La veille passe. Je ne L'ay point encor Lue. On dit que Le fonds n'est pas juste mais qu'en général elle est très bien versifiée et qu'il y a de fort Bons endroits. L'autheur s'apelle Lachaussée. Adieu, je vous écris tout cela fort à La hâte. Quand enverrés vous Chloé? Le petit Tourville pouroit L'aporter. Cette Lettre n'est que pour vous doner une marque de souvenir et d'amitié et pour vous en demander de votre part. J'ay vu Brevedent une fois. Je ne sçais ce qu'il fait car il ne va voir personne et on ne peut pas plus se mettre audessus des préjugés vulgaires pour Les visites. Adieu, des Complimens à mr et mde de Frequiennes et leurs ordres pour ce pays cy si je Leur suis Bon à quelque chose. Pour vous cela va sans dire.