1721-10-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Voici une lettre pour monsieur le duc d'Orleans, elle est décachetée afin que mr du Fargis la voie. En voici une autre pour mr du Fargis que vous aurez la bonté de lui rendre la première. Quand il l'aura lue vous luy donnerez celle pour le régent et le prierez de la cachetter lui même. Vous lui donnerez ces lettres avec mon poème quand il sera écrit, et comme on ne voit que difficilement mr du Fargis, je vous conseille de luy écrire un petit mot la veille du jour que vous le voudrez voir. Vous lui manderez qu'aiant bien voulu vous charger en mon absense de remettre mon poème entre ses mains vous lui demandez audiance pour le lendemain matin et qu'il fasse dire à sa porte qu'on laisse entrer mr Thieriot. Vous lui recommanderez quand vous lui parlerez sur touttes chose de ne faire voir mon poème à qui que ce soit et vous lui ferez entendre combien il m'est de conséquence qu'on n'en tire point de copie. Cela fait vous aurez la bonté de mettre l'autre copie de mon poème dans une cassette et d'en charger la Brie avec ordre de partir sur le champ pour Sulli où je serai dans quatre jours. Ecrivez moi donc à Sulli mon cher enfant dès que vous aurez reçü ma lettre. Comptez que je brûle de revenir à Paris pour m'i acquiter de touttes les obligations que je vous ai dans cette afaire. Je suis actuellement dans le plus bau châtau de France. Il n'y a point de prince en Europe qui ait de si belles statues antiques et en si grand nombre. Tout se ressent ici de la grandeur du Cardinal de Richelieu. La ville est bâtie comme la place roïale. Le châtau est immense, mais ce qui m'en plait davantage c'est mr le duc de Richelieu que j'aime avec une tendresse infinie, pas plus que vous cependant. Ecrivez moi vite à Sulli des nouvelles de votre santé. Si vous aviez besoin d'argent j’écris à mon frère de vous en faire donner.