1848-09-29, de  Delacroix, Eugène à  Pierret, Jean-Baptiste.
[p. 1] Monsieur Pierret
Rue Saint-Florentin, n° 11, à Paris
Ris-Orangis, 29 septembre 1848
Paris, 29 septembre 1848

Cher ami,

Je reçois ta lettre et m’empresse de te prier de venir (je crois que tu le pourras dimanche auquel nous touchons). J’ai fait une entreprise très forte 1 et une journée de moins me serait très préjudiciable. Les fleurs s’en vont et à la première gelée je serai sans modèles. Prends le convoi qui part de la gare à 3 heures précises ; ainsi j’aurai eu le temps de faire ma journée le matin et nous aurons pour causer jusqu’à 9 heures du soir. Tu prendras la fortune du pot et nous parlerons de nous et de notre pauvre naufragé 2.

Sa situation, que je devine, me touche excessivement : c’est mon vieux compagnon, mais pour cela même, je le connais bien. Prêter à lui ! J’aimerais autant prêter à l’Achéron ou à l’Océan. Tu verras, cher, que je m’échine depuis un mois pour accrocher quelque mille francs qui boucheront les trous que la République fait à mes minces intérêts. Primo vivere.

Je t’embrasse et je t’attends dimanche avec impatience.

Eug. Delacroix