20 juillet [1777]
… M. de Voltaire est dans un chagrin d'autant plus sensible, que son amour propre est blessé au vif.
Il avait fait les plus superbes préparatifs dans l'espoir que le comte de Falkenstein viendrait le visiter; il avait rassemblé autour de lui tous ses amis des environs pour grossir sa cour; il avait composé des vers que devait débiter à l'illustre étranger, mlle de Varicourt. Tous ces soins ont été inutiles. Le prince n'a pas daigné le voir, ni son château, ni son village; il n'a demandé aucune de ses nouvelles; il s'est cependant arrêté à Genève; & par une affectation encore plus cruelle est allé à Versoy, & a parcouru en détail & avec attention ce lieu, non moins affligeant pour le seigneur de Ferney. Vous savez que m. de Choiseul, avait entrepris de le former en ville, & d'y creuser un bassin. Depuis sa disgrâce, les travaux avaient été suspendus. Mais comme il coûtait beaucoup en frais de l'administration qu'on avait commencé d'y établir, & qu'on avait calculé qu'avec cet argent on aurait fini le projet, on avait recommencé: il en a résulté déjà des émigrations & Ferney se serait dépeuplé si cela avait duré. Le canton de Berne a heureusement fait des représentations contre ce port, qui lui serait nuisible. On assure donc que l'on va de nouveau abandonner l'ouvrage, & que monsieur de Vergennes l'a promis au canton réclamant. Ceci calme un peu les tourments du patron; mais l'empereur brûler son hermitage avec un mépris aussi marqué, il ne peut digérer cet affront.