1777-03-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Quirot de Poligny.

Monsieur,

Une dame retirée depuis vingt cinq ans dans le canton le plus éloigné du ressort, ayant le malheur d'être attaquée par des plaideurs, a la consolation d'apprendre que vous êtes son juge et son raporteur.

Elle viendrait, non pas vous solliciter, mais vous témoigner son respect et sa soumission si la même maladie qui lui attire ce procez par l'impuissance où elle a été de gouverner ses affaires, ne la mettait pas absolument hors d'état de se présenter devant vous.

Je suis l'oncle de cette dame, je demeure avec elle, et je n'ai dans ce procez d'autre intérest que celui d'un parent et d'un ami.

Agé de quatrevingt trois ans, beaucoup plus malade qu'elle, et privé de l'honneur de vous faire ma cour, je prends la liberté monsieur de vous écrire pour vous dire que dans l'ignorance où je suis des loix et des formes j'ay tout fait, tout tenté pour prévenir ce procez. J'ay offert tous les sacrifices possibles. Je m'en suis raporté à l'arbitrage de Messieurs Arnoud et Bretin; et s'il était possible que vous daignassiez après avoir examiné l'affaire, dicter ce que vous croiez juste, nous obéirions sur le champ ma nièce et moi à vos ordres.

Je me flatte au moins que cette entière confiance dans vos bontés et dans votre justice trouvera grâce devant vous.

Je suis avec respect,

Monsieur,

votre.