1776-12-18, de Johann Rudolf Sinner à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Il est bien vray que j'aime à rendre service.
C'est le seul agréement que l'Exercice d'une charge très pénible me vaut. J'ay fait mon possible pour être utile à Msrs les Etats du Pays de Gex. En 7bre passé il n'était point dificille d'y réussir. Aujourd'huy il L'est davantage. Mr de Crassy peut monsieur vous avoir rendu conte des Traverses suscitéez à la Province par quelqu'un qui semble avoir vis à vis d'Elle une vocation toute oposée. Elles ont porté coup; on était sur le point de déférer en entier à la Letre de mr le Présidt de Vergènes en éconduisant ces mrs à jamais de toute Traite de Vos sels. Leurs amis, au nombre desquels je suis, ont arrêté le Décret à la seule Résiliation du marché fait avec Rose.

L'affaire en est là, en attendant que ces mrs obtienent de La Cour de quoi faire changer mr de Vergènes. Je le souhaite, et je seray en ce Cas toujours très empressé à leur rendre icy les mêmes bons ofices que du passé. Heureux monsieur si par ce petit moyen je pouvais un peu seconder le Zêle bienfaisant dont vous donez journellement des preuves à cette Province! Je le serais infiniment aussi si par ce foible service que vous voulez bien me demander si obligeament, je pouvais monsieur vous rendre une partie de l'Homage que je vous ay voué depuis bien longtems. Il y a 50 ans que je lis et que j'admire vos ouvrages. Votre siècle vous doit bien des espèces d'Homages, et les Amis de l'Humanité, dont par vos sages leçons et votre exemple, vous evez si fort augmenté le Nombre vous érigeront des Autels. Il y en a un dans mon Coëur, auquel j'ofre journellement des vôeux pour votre Conservation.

Ce sont Les sentimens avec Les quels j'ay L'honeur d'être très respectueusement

Monsieur

Votre très hble et très obéisst serviteur

de Sinner Avoyer de la Rép. de Berne