30e Mars 1772 , à Ferney
Premièrement, le cher correspondant est suplié de s’informer du jeune Chiezin, écolier de rhétorique, qui parait avoir quelques talents, et qui a écrit une Lettre si bien faitte, que le vieux malade lui a répondu, quoi qu’il ne réponde à personne, et qu’on lui envoie un petit livre tout de poësies pour le mettre un peu au fait.
Il s’agit donc de lui faire passer ce paquet en sûreté sans que son maître de pension y foure le nez. Le cher correspondant peut aisément faire rendre le dit paquet par quelque porteur de lettres un peu avisé.
Secondement, voicy bien une autre histoire. La pièce de l’avocat Du Roncel a été lue aux comédiens qui en ont été émerveillés, et qui l’ont reçue avec acclamations. On ne sait encor s’ils pouront la jouer immédiatement après pâques, parce qu’ils ont donné parole à Mr Du Belloi et qu’ils ont apris déjà sa tragédie de Dom Pedre. Un ami de Mr Duroncel s’est chargé de cette négociation. On attend des nouvelles de cet ami, ainsi il faudra absolument que Rosset attende ces nouvelles pour imprimer. Car suposé qu’on joue la pièce à Pâque il gagnera alors bien d’avantage en ne donnant cette édition que dans ce tems là. Voilà ce que le cher correspondant peut faire entendre aisément à Rosset. Il ne s’agit que de huit ou dix jours; c’est un présent qu’on lui fait, et il doit se conformer aux intentions de ceux qui lui font ce présent. A cheval donné on ne regarde pas la bride, dit Ciceron.
Aureste, il y a de bien bonnes notes à faire à la queue de cette tragédies, à commencer par les sacrifices de sang humain qu’ont fait si souvent les Juifs, tantôt à leur Adonaï, tantôt à Moloc et à Melkom. Mais ces notes doivent édifier les fidèles dans une autre édition.
On embrasse tendrement le cher correspondant.