ce 14e 9bre 1771
Je vous ai écrit, mon cher philosophe, par m. Bacon, non pas Bacon de Verulam, mais Bacon substitut du procureur général, et pourtant philosophe.
J’ai demandé â Marin si je pouvais vous faire tenir par lui le 6e et 7e vol. des rogatons alphabétiques, que je vous prie de mettre dans votre bibliothèque sans avoir l’ennui de les lire. Il ne m’a pas répondu; je vous les envoie par made Le Gendre, sœur de m. Hennin notre résident. Cela fera nombre parmi vos livres, ce n’est qu’un hommage que je mets à vos pieds.
Il paraît un ouvrage très curieux et très bien fait, intitulé l’histoire critique de Jesus-Christ. Il n’est pas difficile d’en avoir des exemplaires à Genève, mais aussi il n’est pas aisé d’en faire passer en France. Dieu me préserve de servir à répandre cet ouvrage abominable, capable de dessécher toutes les semences de la religion chrétienne dans les consciences les plus timorées. Je ne l’ai lu qu’avec une sainte horreur, et en faisant des signes de croix à chaque ligne.
Il paraît encore deux autres petits livres qui sont des canons de douze livres de balles, tandis que l’histoire critique est une pièce de vingt-quatre. L’un est l’examen des prophéties, et l’autre l’esprit du judaïsme. On nous en fait craindre encore plusieurs autres de mois en mois. Belzébuth ne se lasse point de persécuter les fidèles. Nous touchons aux derniers temps sans doute.
L’expulsion des jésuites annonce la fin du monde, et nous allons voir incessamment paraître l’Antechrist. Je me prépare pour cette grande révolution, puisque nous en avons déjà vu tant d’autres; et en attendant, je vous embrasse le plus tendrement du monde, avec vénération et amour.
V.