à Paris 8 juin [1770]
Mon cher et illustre confrère, cette lettre vous sera remise par mr Panckoucke que vous connoissez depuis long temps, et dont vous m'avez souvent parlé, dans vos lettres, avec estime et avec intérêt; j'espère que cet intérêt augmentera encore, s'il est possible, par celui que je prends à mr Panckoucke, et par la connoissance que vous aurez de l'honnêteté de son caractère, & des sentimens de respect et d'attachement dont il est rempli pour vous.
Il va à Genève pour des affaires qui l'intéressent, & je l'ai assuré que vous ne lui refuseriés pas bontéz et vos conseils. Il vous contera tous les malheures qu'a essuyés l'infortunée Encyclopédie, & le besoin qu'elle a que les honnêtes gens & les Philosophes fassent un bataillon quarré pour la soutenir. J'espère qu'il m'apprendra en quel état est l'ouvrage que vous avez entrepris, & qui sera si utile à la perfection du nôtre. Je vous recommande le suisse de Félice et ses coopérateurs, au nombre des quels sont quelques polissons d'Ecrivailleurs françois, qui prétendent, à ce qu'on dit, Elever autel contre autel. A en juger par les Programmes ou Prospectus qu'ils ont publiés, ce sera de la besogne bien faite; et je ne doute pas que cette société de gens de lettres, soi-disant, ne renferme plusieurs suisses de Porte, nouvellement arrivés de Zug ou d'Underwald. Quoiqu'il en soit, mon cher et illustre maître, je vous demande vos bontéz et votre amitié pour mr Panckoucke; et j'espère que quand vous l'aurés vu, vous l'en trouverez digne, et que ma recommandation lui deviendra tout-à-fait inutile. Je vous embrasse de tout mon cœur, et vous prie de dire mille choses pour moi à madame Denis.