12 de janvier [1770]
Premièrement, mon cher philosophe, il faut que je vous dise que j'ai vu, il y a quelque temps, une annonce intitulée, Supplément à l'Encyclopédie, &c.
Ce plan ou programme appelé prospectus, comme si nous manquions de mots français, commence ainsi:
'Des libraires associés avaient projeté de refondre entièrement l'immense Dictionnaire de l'Encyclopédie, et d'en faire un ouvrage nouveau; mais on leur a représenté &c.'
Il manquait à cet la formule, car tel est notre plaisir. Vous avez enrichi les libraires, et vous voyez qu'ils n'en sont pas plus modestes.
Il y a quelqu'un qui fait, dit on, un petit supplément pour se réjouir; mais il ne fera aucune représentation à ces messieurs.
J'ai lu un petit Avis aux gens de lettres, par m. de Falbaire, auteur de l' Honnête criminel; il ne traite pas ces despotes avec tout le respect possible.
Je ne sais où en est actuellement l'affaire de Luneau de Boisgermain; j'imagine qu'elle s'en ira en fumée comme toutes les affaires qui traînent.
Je sais à présent qui vous a récité des vers sur Michon ou Michault; je sais qui vous a dit qu'ils étaient de moi. Il n'est point du tout honnête qu'Achille ait voulu combattre sous les armes de Patrocle. Heureusement il est assez sage pour n'avoir point lâché son ouvrage dans le monde; mais je ne dois pas être content du procédé. Je lui pardonne, à condition qu'il assommera un bœuftigre quand il en rencontrera; mais je ne lui pardonne qu'à cette condition.
Je m'aperçois que je passe ma vie à pardonner; mais ce n'est pas à vous qui êtes mon vrai philosophe, et qui remplissez tous les devoirs de la société. Vos théorèmes sur cet article sont aussi bons que sur tout le reste.
Est il vrai que l'abbé Alary soit encore plus vieux et plus mal que moi? Je l'en défie, car je n'en puis plus.
L'oncle et la nièce vous embrassent de tout leur cœur.