21e Mars 1770, à Ferney
Voicy bien une autre histoire Monsieur; j'avais deux cent mille francs en argent comptant entre les mains de Mr De Laborde.
Il les avait placées en rescriptions; c'était prèsque le seul bien libre qui me restât, le seul dont je pusse disposer, c'était mon ancien patrimoine, mon unique ressource en cas de malheur. Mr L'abbé Terray s'en empare, et l'on dit qu'on ne nous rendra qu'en billets l'argent qu'on nous a enlevé. Cette situation est douloureuse; mais il faut la suporter.
Made Denis m'a dit que vous l'aviez flattée à Paris que vous pouriez lui faire toucher quelque argent au mois de mars. Je ne sais pas trop sur quels fonds; car il me semble que vous n'en avez guères à moi. Je pense que ce fond est seulement vôtre bonne volonté. C'est de cette bonne volonté que nous n'osons abuser.
Cependant si dans la détresse où nous sommes vous me permettiez de tirer sur vous trois mille livres les premiers jours d'avril, je vous serais très obligé, ainsi que made Denis qui vous fait ses très sincères compliments, et vous remercie de toutes vos bontés.
Vous savez avec quels sentiments j'ai l'honneur d'être, Monsieur, Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire