1770-03-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Thomas Marie de Baculard d'Arnaud.

Je vous adresse, Monsieur, mes remerciements chez celui qui a je crois imprimé vôtre ouvrage.
J'ai pris ce parti parce que j'ignore vôtre demeure. Il m'a paru que vôtre pièce a de grandes beautés. Si jamais on peut s'intéresser à un cocu sur le théâtre tragique vôtre cocu fera cet éffet. Mon amitié pour vous n'a jamais diminué; je ne suis pas Roi.

J'ai l'honneur d'être capucin, et en qualité de moine, je vous dirai que vôtre moinesse de La Trappe m'a infiniment touché. Je bénis Dieu que le théâtre se soutienne par l'Eglise.

La Religieuse de mr De Laharpe fait verser des larmes. Voilà les autos sacramentales espagnoles perfectionés.

On dit que la comédie française est absolument tombée. La muse tragique se retire dans les couvents comme madame De La Valliere se retira aux Carmelites.

Comptez, Monsieur, que je n'ai point changé de sentiments pour vous, et que c'est avec la plus grande vérité que j'ai l'honneur d'être Vôtre très humble et très obéissant serviteur.

V.