1770-01-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Charles Girod.

Monsieur Girod sait sans doute qu'on ne peut constater l'état de la forêt que par des experts délégués de part et d'autre. Ce bois aiant été estimé par Mr le Président de Brosses cinq cent livres de revenu; et Mr De Voltaire n'y aiant jamais rien touché pendant neuf années entières; aiant seulement la première année fait couper quelques sapins à l'entrée de ce bois pour les réparations du château selon son marché, et aiant fait seulement ébrancher cette années quelques chênes pour son chaufage, en vertu de ce même marché, tout est entièrement dans la règle la plus étroite.

Il n'y a qu'à compter les arbres. Mr De Voltaire, propriétaire pendant sa vie, doit en laisser soixante par arpent à sa mort. Il faut voir s'ils y sont. Les ingénieurs envoiés par le Roi pour lever la carte du païs, ont mesuré ce bois, ils l'ont trouvé de vingt trois arpents et demi, mesure de Bourgogne. Leur plan est signé de leur main, ainsi, on doit laisser quatorze cent dix arbres.

Mr De Voltaire et made Denis ne demandent qu'à satisfaire en tout Mr le Président de Brosses. Ils ont eu l'attention de faire garder à Ferney les vieux fauteuils de velours vert élimés, de peur qu'ils ne dépérissent entièrement à Tourney. Monsieur De Voltaire n'a laissé que quatre chaises de Damas à Mr et à Made Cramer, auxquels il a donné en pur don la jouïssance du château dans lequel il ne va jamais, ne pouvant sortir de son lit.

Mr et made Defargès sont instruits de ce que Mr De Voltaire et made Denis certifient à Monsieur Girod; et monsieur Girod est suplié d'envoier cette déclaration à Mr le président De Brosses.

Voltaire