1769-09-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph Audra.

Mon cher philosophe, je reçois dans ce moment votre lettre du 13 7bre.
Le projet de faire un abrégé de l' Essai sur l'esprit et les mœurs des nations, est une très bonne idée, et vous l'exécuterez en habile homme. Je vais recommander à Cramer de vous envoyer la nouvelle édition in 4. qui sera achevée dans quelques jours. Elle est très augmentée.

J'attends le détail que mr De la Croix doit m'envoyer sur l'affaire de Sirven. Si on rend une justice complète à cette famille innocente et opprimée, si les magistrats de Toulouse voient sans chagrin dans leur ville le défenseur des Calas, si le théâtre nouvellement établi peut profiter de mes soins, le plaisir de vous revoir me rendra peut-être assez de forces pour entreprendre ce voyage.

Je viendrais dans une espèce de litière, et je passerais l'hiver à Toulouse; mais ce serait à condition que j'y mènerais ma vie de malade. Il faudrait que mon âge et mes maux me dispensassent de faire aucune visite, et qu'on me pardonnât ma vie solitaire. Je partirai probablement dès que je serai certain d'être bien reçu, et de n'avoir rien à craindre des vieux restes du fanatisme.

J'ai oubliè le nom du conseiller qui protége Sirven; je vous prie de me le dire. Il ne serait pas mal qu'il me donnât des assurances positives qu'on approuverait mon voyage.

C'est tout ce que je puis vous dire à présent. Je n'ajoute rien de nouveau en vous disant combien je vous aime, et combien j'ai envie de vous embrasser.

V.