1769-08-13, de Jean Le Rond d'Alembert à Voltaire [François Marie Arouet].

Mon cher et illustre confrère, quelque scrupule que je me fasse de troubler votre solitude, je ne puis me dispenser de recommander à vos bontés mr Maty, qui vous remettra cette lettre.
C'est le fils d'un homme de mérite que vous connoissez sûrement au moins de réputation, et qui a longtemps travaillé à un très bon ouvrage Périodique intitulé Journal Britannique. Le fils est digne de son Père, et digne d'être connu et bien reçu de vous. Il a l'esprit très cultivé, et ce qui vaut encore mieux, très droit et très juste, & surtout une franchise et une philosophie qui vous plairont. Je ne lui compte pas pour un mérite le désir qu'il a de vous connoitre, car c'est un mérite trop banal. Mr de Schomberg est revenu de chez vous, pénétré de la réception que vous lui avez faite, & enchanté de votre personne. Je ne doute pas que mr Maty n'en revienne avec les mêmes sentimens.

On ne parle plus, ce me semble, de l'histoire du Parlement, et il me semble que la fureur de vous l'attribuer est calmée; ainsi je crois que vous devez être tranquille à cet égard. On se plaint de plusieurs inexactitudes qui vraisemblablement sont des fautes d'impression; par exemple à la page 182 on dit que Coligni avait été assassiné avant la st Barthelemi par Montrevel; c'est Maurevert, comme le disent le Président Henault et beaucoup d'autres. Je ne vous parle point des autres critiques, qui au fond ne vous intéressent guères, & sont d'ailleurs très peu de chose.

Adieu, mon cher et ancien ami; je voudrois bien avoir une santé qui me permît d'aller vous embrasser. Je vis pourtant toujours dans cette espérance. En attendant je vous embrasse de tout mon cœur en Esprit & en Lucrece. Vale et me ama.