1769-06-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph Audra.

Votre zèle, mon cher philosophe, contre les fables décorées du nom d'histoire, est très digne de vous.
Mais comment faire avec des nations chez lesquelles il n'y a d'autre éducation que celle de l'erreur, où tous les livres nous trompent depuis l'almanach jusqu'à la gazette? Il y aurait bien quelques petits chapitres à faire sur cet amas inconcevable de bêtises dont on nous berce. Un temps viendra où l'on jettera au feu toutes nos chronologies dans lesquelles on prend pour époque des aventures entièrement fausses et des personnages qui n'ont jamais existé.

Mais une époque bien vraie, bien agréable sera celle où le parlement de Toulouze vengera l'innocence opprimée par ce misérable juge de village qui a outragé également les lois, la nature, la raison en osant condamner les Sirven. Ce sera vous à qui nous aurons l'obligation et la justice qu'on nous rendra. J'espère que cette affaire que j'ai tant à coeur finira au moins cette année. Si je pouvais aller à Toulouze, je viendrais vous embrasser.

J'ai envoyé à mr l'abbé Audra votre parent à Lyon, un paquet pesant trente six onces par m. Tabareau. Vous lui avez sans doute donné les instructions nécessaires pour vous le faire parvenir. Je compte dans quelque temps vous envoyer d'autres paquets. Je compte surtout vous être bien tendrement attaché tant que je vivrai.