[c. 31 March 1769]
Monsieur,
J'eus l'honneur de vous voir dans votre château le mardi de la semaine sainte au premier avis que j'eus de votre indisposition, et sur la demande que vous me fites du st viatique.
Je vous répondis aussi doucement que fit le prophète Natan à David; vous me comprites Monsieur tout aussi bien que le Roi le prophète. Vous m'envoiâtes ensuite quérir, Comme Ochosiaz manda le prophète Elie, sur quoi j'eus encore occasion Et l'honneur de vous marquer plus distinctement qu'il vous falloit préalablement rétracter tous vos mauvais ouvrages. Vous vous en montrâtes infiniment éloigné, m'assurant que rien ne doit s'opposer aux usages reçus de donner indifféremment le saint Viatique, parlant de La pâque à faire comme d'une pure mode à suivre, ou comme d'une simple cérémonie d'état, où nous dussions dans notre croïance même apporter moins de discernemens, de discrétion Et de réserve que les Ministres de Genève ne feroient en pareil cas pour admettre à leur cène. Vous me menacez, Monsieur, des Parlements, vous emparant d'abord de toute leur authorité et de leurs Règlements tandis que vous êtes peut être menacé de plus haut vous même; mais quoiqu'il en soit, j'ai fait, à cet assaut de votre part, comme st Michel à l'altercation qu'il eut avec le premier Ange rebelle Eblouï de l'éclat de ses lumières, et sans doute de la distinction de son ordre:j'ai prié Le seigneur de se faire tout autrement sentir à vous; imperet tibi dominus, non pas pour abbattre, mais pour Vous humilier, et pour vous donner un cœur soumis et docile et docile à la vérité, un cœur contrit et mieux disposé pour Vos Pâques.
Le dernier Ecrit que vous m'avez envoïé ne Contient rien que de fort vague, et ne porte pas un mot du désaveu et de l'improbation que vous avez à faire des plus horribles ouvrages, que vous sçavez bien, Monsieur, qu'on vous attribue, et dont l'attribution vous expose à l'univers entier comme un sujet de scandale, et comme le Père des incrédules: j'ai donc lieu de craindre ici quelque surprise, et j'envoie à Monseigneur pour sçavoir ce que je dois exiger de plus particulier de votre part. Mais en attendant sa Réponse, j'exige que vous rétractiez, ou désavouïez et détestiez tous les ouvrages impies et scandaleux qui se sont débités sous Votre nom, selon la déclaration, que je pourrois vous proposer à en faire par main de notaire en présence des syndics de Fernex et plusieurs autres témoins avec moi, et je suis prêt à vous à vous donner tout […], à vous rendre tous les devoirs de mon ministère: autrement je tiens pour acquis qu'il n'y a rien à faire.
J'ai l'honneur d'être avec respect, et les voeux les plus ardents pour votre salut
Monsieur &ca.