à Ferney 10 janvr 1769
Je trouve mon cher ami, beaucoup de philosophie dans le discours de m. l'abbé de Condillac.
On dira peut-être que ce mérite n'est pas à sa place, dans une compagnie consacrée uniquement à l'éloquence et à la poésie; mais je ne vois pas pourquoi on exclurait d'un discours de réception, des idées vraies et profondes qui sont elles mêmes la source cachée de l'éloquence.
Il y a dans le discours de m. Le Beau des anecdotes sur mon ancien préfet l'abbé d'Olivet dont je connais parfaitement la fausseté. Mais la satire ment sur les gens de lettres pendant leur vie, et l'éloge ment après leur mort.
Il eût été à désirer que les lettres concernant Nonotte eussent été imprimées à Lyon, puisque les injures de ce maraud y ont été audacieusemt imprimées. C'est d'ailleurs un factum dans une espèce de procés criminel. Il n'y a point de petit ennemi quand il s'agit de superstition. Les fanatiques lisent Nonotte, et pensent qu'il a raison. Je crois que les pères de l'oratoire en seraient très aises, et qu'il y a bien d'honnêtes gens qui seraient charmés de voir l'insolente absurdité d'un ex-jésuite confondue. Voyez ce que vous pouvez faire pour la bonne cause. L'ouvrage d'ailleurs est très respectueux pour la religion, en écrasant le fanatisme.
Bonsoir, mon très cher confrère; j'attends de Bâle un petit livre sur l'histoire naturelle, où il y a, dit on, des choses curieuses. Je ne manquerai pas de vous l'envoyer.