1768-11-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Germain Gilles Richard de Ruffey.

Mon cher président, vous ne recevrez que dans quelque temps un petit hommage que je vous dois.
C'est la nouvelle édition du siècle de Louis XIV, avec le précis de celui de Louis XV. J'allais le faire porter aux voitures qui partent quelquefois de mon voisinage pour Lyon et Dijon, le paquet était fait lorsqu'on m'avertit qu'un petit ballot déjà porté aux mêmes voitures pour Monsieur le premier président du parlement et Monsieur le Goult, irait de Lyon à Paris. J'en donnai sur le champ avis à Monsieur le Goult; mais on m'avait trompé. Les paquets iront en droiture. Le vôtre arrivera donc, quoique un peu tard; notre commerce du pays de Gex n'est pas encor trop bien établi. Je suis toujours bien tenté de venir vous embrasser à Dijon; mais j'ai bien peur que ma santé languissante ne me laisse que des désirs inutiles.

Monsieur le Goult a obtenu, comme vous savez, du président de Brosses la moitié de ce qu'on désirait. Il eût mieux fait de se désister entièrement qu'en partie. Il faut espérer qu'on l'engagera peu à peu à en agir généreusement. L'opiniâtreté qu'il met à soutenir une clause que tous ses amis et tous ses parents trouvent injuste et inadmissible suffirait seule pour m'empêcher d'aller à Dijon ou j'aurais le malheur de trouver un homme dont ma famille et moi nous avons tant de sujets de nous plaindre.

Il ne me reste dans le triste état ou je suis que de vous renouveller mon très cher et très généreux président, les tendres et respectueux sentimens que je conserverai pour vous tant que je vivrai.

V.