24e 7bre 1768, à Ferney
J'ai suivi vôtre conseil, mon très cher Président; j'ai écrit à Mr le Goût; je l'ai suplié de porter Mr De Brosses à un accommodement honnorable digne de sa place et digne de l'académie dont il est membre.
Je vous suplie donc d'envoier à Mr Le Goût la copie de ma Lettre écrite au Président de Brosses afin qu'il soit au fait.
Vous et Mr Le Gout vous frémiriez d'horreur si je vous informais du procédé que Mr De Brosses a eu en dernier lieu. Promettez moi le secret, et je vous dirai de quoi il s'agit.
Je n'ai d'autre intention que de tout souffrir pour tout pacifier. J'aime mieux être oprimé qu'opresseur. Je sais perdre avec ceux qui veulent absolument gagner, et je prétends que prévenir un procez entre Mr De Brosses et ma famille après ma mort. Mr De Brosses a cru qu'aiant acheté une charge de Président à mortier au parlement de Dijon il pourait écraser facilement ma famille. Il se trompe, j'ai des neveux conseillers au parlement de Paris et au grand conseil, qui ont l'âme aussi noble que la sienne est intéressée, et qui se feront un devoir de mettre au jour des procédés dont j'ai bien voulu jusqu'à présent cacher la honte.
Pour moi, je veux mourir en paix; il me menace de me persécuter. La chose est difficile, mais l'idée en est abominable, et c'est le comble de l'infamie. Ensevelissez dans l'oubli, mon cher ami, des choses si monstrueuses. Ce sera d'ailleurs une action digne de vous d'engager Mr Legout à faire rentrer s'il se peut mr De Brosses en lui même, ou plutôt à le faire sortir un moment de lui même. Je vous aurai obligation de la paix et Mr De Brosses vous aura une obligation encor plus grande. J'ai en vous, mon cher Président une confiance entière. J'attends tout de vôtre sagesse et de l'amitié dont vous m'honorez.
Je vous embrasse avec les plus respectueux sentiments, et la plus tendre reconnaissance.
V.