1768-06-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Voicy une déclaration moitié comique moitié sérieuse, et la seule que je crois convenable, car mon cher caro, quand nous ne rions pas les premiers, les rieurs ne sont pas pour nous.
Si quelque chose peut faire du bien à l'œuvre Pankouke, c'est mon drôle de certificat.

Il faut pourtant vous avouer qu'il y a des gens qui ont été fort choquez de la différence qu'ils ont trouvée entre les derniers vers d'Oreste, de votre édition, et ceux de l'édition de du Chene. Ils disent que ceux de Duchene sont incomparablement meilleurs et je le pense ainsi. Mais le bon de l'affaire, c'est que ces mêmes connaisseurs sont ceux qui me firent supprimer les vers qu'ils redemandent aujourdui. Le public a toujours préféré la leçon de du Chene. C'est suivant cette leçon qu'on joue Oreste partout. Si mr Caro m'avait envoyé les dernières feuilles, j'aurais prévenu le reproche qu'on me fait d'avoir gâté la fin d'Oreste. Je ressemble fort au meunier, à l'âne et à son fils.

Voicy les vers qu'il faut restituer. Il n'en coûtera qu'un carton à l'ami Pankouke.

Interim vale.

V.