16 may [1768]
Je vous envoye ma chère nièce, la copie d'une lettre d'un de nos amis à une dame que vous connaissés.
Enfin donc je suis hors d'inquiétude, vous êtes payée en partie de monsieur de Richelieu et de Mr de Lezau. Je bonifie Ferney et je l'embellis autant que je le puis au lieu de le vendre. Des créanciers nouvaux sortent tous les jours de dessous terre. Un sr Delvert de st Claude exige entre autres, le payement de 81 mesures d'avoine qui manquaient à la délivrance qu'il fit à madame Fay le 31 may 1767. Il devait délivrer 330 mesures et made Fay n'en trouva que 249. Il en manquait donc donc 81. Il faudrait que made Fay m'envoiât un certificat de ce déchet. C'est une bagatelle. Mais il faut mettre un frein aux demandes injustes qui viennent fondre de tous côtés.
Quand vous mettez vous en possession de votre maison de la rue Bergere? Soiez sûre que vous y ménerés une vie plus agréable qu'à Ferney. Nous avons icy quatorze officiers, mais quand même leur société pourait vous convenir, ce ne sont que des oisaux de passage: il vous faut des amis sur les quels vous puissiez compter, des amis qui pensent comme vous, et que vous retrouviez tous les jours. La campagne n'est tolérable que pour une persone qui aime passionément la solitude et l'agriculture. Je préfère baucoup mes vaches, mes moutons et mes livres à des hommes que je ne verrais qu'en passant, et qui viendraient chez moy pour se gêner et pour me gêner.
On a tué la pauvre Atalante. Elle devenait enragée. Daumart se soutient toujours dans son état horrible. La Fanchon a été quatre mois entiers entre la vie et la mort. Voilà touttes les nouvelles de Ferney. On n'a point encor travaillé à Versoy. Mr Dupuis y va quelquefois. Il attend mr Debourcet. La maison de Racle ne trouve point d'acheteurs. Il a fait comme moy un très mauvais marché. Bon soir ma chère nièce. Voylà bien une lettre de vieux campagnard. Mille compliments à toutte la famille.
V.