mardy au soir 1er Mars 1768
Madame,
J'ai cru que je serais tué à midy moins un quart par Mr De Voltaire.
J'ai été surpris après qu'il avait été pendant une heure seul avec père Adam qu'il m'ait dit que vous dormiez bien longtemps; je me suis écrié que vous étiez partie à dix heures, et que je croiais que Père Adam le lui avait dit. Il est entré dans toutes les fureurs contre moi, quoi que je lui aie dit que vous aviez tous frapé longtemps à ses portes qui étaient fermées des deux côtés, et que Mr Dupuis avait voulu entrer trois fois chez lui. J'ai été si étourdi que j'en suis tout malade. Cependant il s'est un peu calmé.
Il a déchiré sa promesse de vingt mille livres qu'il vous donnera par an. Je crois qu'il vous en enverra une autre lorsque vous serez à Paris. Mr Nicod a renvoié la procuration. Le cœur me battait un peu en la lui présentant. Il l'a parcourue tranquilement, et l'a mise dans son bureau en disant que celà était bon.
Voilà, Madame, comment s'est passée cette triste journée. Mon cœur vous souhaitte un heureux voiage, et j'espère que nous aurons le bonheur de vous revoir à Ferney.
Vous connaissez quel [est] mon profond respect, mon attachement et ma reconnaissance pour vous.
Wagniere