Au château de Ferney, par Genève, 6 octobre 1766
Je suis votre confrère en littérature, monsieur; j'ai le même protecteur que vous dans la personne de m. le duc de Praslin.
Voilà mes deux titres pour vous supplier de me rendre un bon office.
On a imprimé à Amsterdam, chez Marc-Michel Rey, sous le nom de Genève, un livre intitulé: Lettres de M. de Voltaire à ses amis du Parnasse. Il se trouve que ces prétendus amis du Parnasse sont: le roi de Prusse, le feu roi de Pologne Stanislas, l'électeur palatin, le duc de Bouillon, le duc de La Vallière, etc.; il y a aussi plusieurs lettres à des particuliers. On les a toutes altérées et empoisonnées par les traits les plus calomnieux; on y a mis des notes encore plus outrageantes. Je suis dans la douloureuse nécessité de me justifier contre ce libelle scandaleux. Vous êtes dans Amsterdam, et vous êtes à portée, monsieur, d'être informé du nom de l'éditeur. Tout ce que je lui demanderais, ce serait qu'il réparât une conduite si atroce, en avouant du moins qu'il s'est trompé. Je sais que tous les libelles de Hollande tombent avec le temps dans l'oubli, mais celui-ci peut me faire grand tort pour le temps présent, et il est essentiel que je désabuse les personnes que cet éditeur offense dans cette malheureuse édition. Je vous serai très obligé de vouloir bien me faire part des lumières que vous aurez acquise sur cette petite affaire. Pardonnez à mon importunité et agréez les sentiments de reconnaissance avec lesquels je serai toute ma vie, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire gentilhomme ordre de la chambre du roi