[c. 10 August 1766]
Vous pensez bien mon vray philosophe que mon sang a bouilli quand j'ay lu ce mémoire écrit avec un curedent, ce curedent grave pour l'immortalité.
Malheur à qui la lecture de cet écrit ne donne pas la fièvre. Il doit au moins faire mourir d'apoplexie le.. et le . . . .N'admirez vous pas les sobriquets que le sot peuple donne à certaines gens! C'est donc de tous les côtés à qui se couvrira d'horreur et d'infamie! Je vous plains d'être où vous êtes. Vous pouvez me dire, ubicumque calculum ponas ibi naufragium invenies.
Vous avez des liens, des pensions, vous êtes enchainé. Pour moy je mourrai bientôt, et ce sera en détestant le pays des singes et des tigres où la folie de ma mère me fit naître il y a bientôt soixante et treize ans. Je vous demande en grâce d'écrire de votre encre au R. d. P. et de luy peindre tout avec votre pinceau. J'ay de fortes raisons pour qu'il sache à quel point on doit nous mépriser. Un des grands malheurs des honnêtes gens c'est qu'ils sont des lâches. On gémit, on se tait, on soupe, on oublie. Je vous remercie par avance des coups de foudre dont vous écraserez les jansénistes. Il est bon de marcher sur le basilic après avoir foulé le serpent. Donnez vous le plaisir de pulvériser les monstres sans vous commettre. Genève est une pétaudière ridicule mais du moins de pareilles horreurs n'y arrivent point. On n'y brûlerait pas un jeune homme pour deux chansons faittes il y a quatre vingt ans. Roussau n'est qu'un fou et un plat monstre d'orgueuil. Adieu, je vous révère avec justice; et je vous aime avec tendresse.
Gardons pour nous notre douleur et notre indignation; gardons nous le secret de nos cœurs.